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Que dieu te protège de Daniel French
Une surprenante novella d'une centaine de pages, plus thriller que policière, de Daniel French publiée chez Textes Gais en 2019.
Le pitch:
Sébastien, un jeune caméraman homosexuel, tue son nouveau colocataire, Nicolas, fraîchement sorti d’une secte religieuse.
Au fil de l’interrogatoire de police, le lecteur découvre le drame derrière ce geste qui semble, au départ, si gratuit.
Préface Denis-Martin Chabot.
Ξ Ξ Ξ
Un court roman, à l'accent définitivement québécois, qui se joue en huis clos lors d'une garde à vue.
Sébastien est seul, transi de peur et et de souvenirs rouges sang qui l'assaillent, il a tué son coloc. Un enquêteur entre dans la pièce où il est détenu et commence alors un long dialogue qui nous restitue le fil des événements sordides qui ont amené un jeune homme bien dans sa peau à commettre l'acte ultime. Il serait bien entendu malvenu de vous la jouer "explications plus claires" puisque la moindre indication serait forcement un spoil.
On prend plaisir à découvrir Sébastien à travers ses propres mots et son histoire. Il est difficile de parler d'un style ou d'une plume quand elle vient d'un autre pays même francophone. Il est certain qu'on est face à un vrai parler du pays et c'est tout autant surprenant qu'amusant comme peut l'être un bel accent. Cela, heureusement, ne gène en rien la lecture et nous fait découvrir un tout autre sens de la formulation mais il m'est en revanche impossible d'exercer mon sens critique à ce niveau là.
Le fil conducteur est rapide et prenant, il crée avec succès sa petite tension même si parfois on sent le héros un peu loin de la panique qu'il est sensé ressentir. L'histoire en elle-même n'est pas forcement neuve et elle nous renvoie directement sur une Glenn Close hallucinée toute de blanc vêtue.
On sent bien que l'inspecteur n'est que le prétexte à la mise en valeur du propos presque "monologue" de Sébastien mais je crois qu'au bout du compte ce personnage aurait gagné à être plus développé pour nous offrir un réel échange. Un effet miroir des événements qui aurait permis à Sébastien (et à nous) de comprendre comment il en était arrivé la et surtout comment il avait pu laisser les choses dégénérer à ce point. Le rythme du récit souffre donc un peu du manque d'un autre point de vue qui aurait pu compléter celui du lecteur.
D'autres personnages évoqués sont également passés un peu à la trappe mais restent suffisamment esquissés pour leur donner une réelle participation au climat froid et clinique de la tragédie. L'ensemble me donne l'impression d'être trop concentré sur le héros principal et prend le risque de perdre de cette nervosité et de cette dynamique qu'auraient pu apporter les personnages secondaires servant souvent à ponctuer à demi mots une tension progressive et angoissante.
L'aventure est toutefois originale, bien écrite, actuelle et nous révèle un peu de ces dernières années d'un jeune trentenaire gay à Montréal. Le titre et la dernière phrase sont le paradoxe exacerbé de cette sordide expérience que traverse le héros et c'est un point final qui fait preuve d'astuce et de clin d’œil très pertinent. Un court récit qui me change de mes lectures habituelles, qui dépayse par ses origines et son vocabulaire nappé de sirop d’érable et qui malgré tout fait son petit effet. Yop
Tags : daniel french, textes gais, meurtre, colocataire, secte, religion, chat, fanatisme, Montréal, Quebec, cameraman, policier, garde à vue, roman gay
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Commentaires
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