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Outlaws de Lena Shartiaud
Imaginez vous un instant Jeremiah Johnson reluquer le tombé des colts sur la ceinture de Josey Wales, vous voyez un peu ? Voila une petite idée de l'impact de Outlaws de Léna Shartiaud publié chez Mix Editions en Octobre 2018.
Le pitch:Colorado, 1860. James Lloyd est un trappeur, autant dire une espèce en voie de disparition dans un Nouveau Monde où s’achève la conquête de l’Ouest. Criblé de dettes et directement menacé par les nouvelles lois fédérales destinées à réguler son activité, il n’a d’autre choix que d’accepter la surprenante proposition du shérif Philips.
Pour sauver sa peau, James endosse le rôle du chasseur de primes et se lance sur les traces du tristement fameux gang Morrison. On raconte que ces hors-la-loi de la pire espèce ne reculent devant aucune bassesse lorsqu’ils attaquent diligences et convois.
Les approcher sans éveiller leurs soupçons n’est pas une mince affaire et James se voit contraint de se faire passer pour un fuyard. Proposant de guider le gang à travers les Rocheuses pour leur éviter les ennuis, il découvre très vite que Philips est loin de lui avoir dit toute la vérité.
Si Morrison et ses hommes sont bel et bien des voleurs, ils ne sont pas pour autant les monstres que l’on se plait à décrire dans les saloons. Petit à petit, James se retrouve happé par cette drôle de famille où il se sent plus à sa place que nulle part ailleurs.
Du moins jusqu’à ce que la vérité sur son double jeu éclate au grand jour. Rattrapé par le passé et confronté à un futur plus qu’incertain, l’heure des choix sonne pour James. Même s’il n’a plus la moindre envie de livrer le troublant Nathaniel Morrison à son ennemi de toujours, le shérif Philips les attend au tournant.
Un roman coup de cœur pour son véritable coté western hollywoodien. Un vrai film dans le livre qui nous raconte une histoire palpitante tout en restant dans les règles strictes du genre.
Nous sommes directement plongé dans la bourgade en plein essor de Blackdale City où James Llyod vient vendre une à deux fois par an le fruit de son activité de trappeur solitaire. James est un homme droit, solitaire et amoureux de sa vie proche de la nature, il craint les hommes et leurs travers et subit de plein fouet une époque nouvelle et fatidique qui annonce la fin d'un monde pour lui et d'un simple métier aux yeux des autres.
Acculé par le Shérif retors du coin, il se voit obligé de partir en chasse d'un autre gibier et voit sa quête se transformer peu à peu en remise en question de ses croyances. C'est ainsi qu'il rencontre Morrison, le chef d'une bande hors la loi jugée comme sans pitié et recherchée aussi bien morte que vive.
James est un homme rustre qui, sous ses couches de daims, cache beaucoup de finesse et de compassion pour les hommes si tant est qu'ils le méritent. C'est un homme entier qui lutte pour sa survie à tout point de vue et qui ne conçoit la vie qu'avec dureté, qu'elle soit celle de la nature ou celle des hommes. Sa rencontre et son voyage infiltré avec la bande de Nathaniel Morrison lui ouvrent les yeux sur un monde criminel qui ne l'est peut-être que par son nom. La lâcheté et l'hypocrisie des "bonnes gens" mettant un sérieux bémol sur le jugement critique que l'on peut porter sur les repris de justice.
Morrison est un chef de gang, un meneur de troupe, un leader et surtout une mère pour sa bande qu'il protège et projette de mener en lieu sûr pour une retraite tranquille loin de leurs habitudes et de leurs larcins. C'est un homme discret, calme et réfléchi loin des images de violence auxquelles s'attendait James. Son passé et celui de sa bande, lentement exploré au fil des pages, aident à comprendre la psychologie de chaque membre car au delà de l'histoire d'un couple, Outlaws c'est avant tout l'histoire d'une famille reconstituée dans une époque et un contexte politique en plein changement.Si nos deux personnages sont quasi parfaits en terme d'image western avec tout ce qu'il faut de brutalité, de retenue virile sur les émotions et de moqueries canailles entre les hommes, ils sont aussi un couple peu probable que l'on aurait eu beaucoup de mal à voir s'enliser dans une pale histoire d'amour. Et c'est là que l'auteur a fait fort, car ce choix précis de rester collé à cette étiquette typique du western rend le tout complètement plausible, les relations, les dialogues, l'humour et les rares moments de lâcher prise qui mènent nos hommes sur un terrain romantique difficile sont toujours très justes. Toutes les scènes s’enchaînent avec bonheur sans aucun temps mort mais sans overdose de bang bang non plus, on est pas à Ok Corral mais dans un monde de montagnes interrompues de villages en devenir et de nature sauvage partagée entre les tribus autochtones et les hommes blancs.
La narration nous offre un rendu très visuel et très nostalgique, comme ces vieux films où les costumes étaient un peu trop propres, et nous renvoie à des codes que l'on connait tous pour facilement s'y plonger comme en terrain déjà connu. Et comme souvent chez Mix Editions, le texte est vraiment parfait, on aime ou pas cette plume simple et directe mais en tout cas rien ne viendra vous vriller les yeux ou même juste vous les faire lever au ciel. Mon départ avec cette narration au présent m'avait un peu surprise mais je me suis retrouvée tout autant surprise de ne plus y faire attention après seulement quelques pages et de la trouver presque indispensable.
Outlaws, c'est plus un roman qu'un mm, c'est une vraie histoire, classique, avec les rebondissements qu'on attend du western mais surtout avec une pléthore de personnages fascinants tant ils sont à la fois évoqués avec précision et légèreté. J'entends par là qu'ils construisent à eux tous le récit et le nourrissent sans jamais l'alourdir de scènes futiles et que c'est a chaque fois amenés par de petites scènes presque anodines qui complètent peu à peu le puzzle de l'histoire du groupe ou de la ville. Chaque membre de la bande apporte sa part d’émotion et de paradoxe, chaque méchants son morceau de vilenie qu'il soit plus ou moins admis dans la société dont il émerge. Le tout donne un fil narratif captivant et presque artistique où pour une fois, même si l'on est profondément attaché à l’histoire d'amour en général (et rassurez vous il y en a une, et une très belle) on tombe avec un plaisir certain dans une histoire tout court plutôt que celui d'une relation à travers une histoire.
Ce roman m'a bluffé, pas parce qu'il serait parfait ou super émouvant mais parce que c'est une vraie tranche de légende: celle du Western avec du colt et du stetson, celle de la poussière et du vieux pot à chique dans lequel on laisse son échantillon d'adn avant de savoir que s'en était, celle des balles et des flèches sur un fond noir et blanc colorisé, celle d'un monde particulier où il est difficile d'y placer une romance entre homme sans s’échouer lamentablement sur une vision clichée d'un tas de Village People remuant leur torse huilés sous un gilet en polyester. Outlaws, où comment désormais regarder vos vieux westerns sous un nouvel angle (et jamais je ne dirais que l'idée m'avait effleurée avec Ed Hot Harris et Virgo Sexy Mortensen, non jamais !). Yop.
Merci à Mix Editions pour ce sp.Vous le trouverez ici : Outlaws
Tags : outlaws, lena shartiaud, western, trappeur, hors la loi, chasse a l'homme, shérif, roman gay, littérature gay, mix editions
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