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La colline de l'oubli - Eve Terrellon
Encore un détour western chez Mix Editions avec La colline de l'oubli d'Eve Terrellon, sa magnifique couverture et sa fantastique Chumani.
Le pitch:
John ne connaît rien d’autre que la ferme de ses parents où il a toujours vécu. Elevé au sein d’une communauté rigoriste, il sait cependant qu’existe davantage que le christianisme étroit et conquérant de son oncle, depuis qu’il a découvert, adolescent, la présence d’Indiens sioux sur ses terres. L’un d’eux, encore enfant, l’a particulièrement marqué etn’a jamais oublié son nom : Mahpee...
Des années plus tard, sa sœur est secourue par une Indienne qui se présente à lui sous le nom de Chumani. Sa ressemblance avec le petit garçon d’autrefois est troublante. Plus troublante encore est la haine que semblent lui porter l’oncle de John, ainsi qu’une partie de la communauté blanche. Partagé entre sa famille, son éducation et son sens moral, John finit par s’attacher à Chumani malgré les avertissements. Mais est-il prêt à entendre la vérité, toute la vérité ?
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La colline de l'oubli ou comment aborder la thématique homosexuelle entre sioux et cow-boys avec une grande sensibilité et un certain savoir faire.
Un roman qu'on ne situera pas dans un western épique mais plutôt intimiste et introspectif. Des personnages simples et à la fois en corrélation avec leur époque servis par un récit qui met en exergue les valeurs morales, les croyances et les coutumes de plusieurs ethnies. C'est un delta où se croisent, se rejoignent ou se séparent des idées toutes faites sur l'autre, sur ce que doit être le couple, l'amour et la vie.
John, fermier aux petits soins pour sa famille, n'a jamais oublié ces yeux couleurs de ciel qu'il a croisé un jour. Des yeux qui lui avaient déjà beaucoup parlé sans qu'il en ait même pris conscience, un ciel bleu qui a modelé à son insu ses aspirations amoureuses et qui avait déjà capturé une certaine partie de son âme. Quand Chumani apparaît c'est un curieux mélange de déjà vu et d'attraction nouvelle qui se dessine alors pour John.
Comprendre, admettre et accepter ce que la culture de celui-ci réfute en bloc est un long chemin qu'il effectue avec toute la bonté qui le caractérise. Car dans un univers dit rude, John est un personnage sensible et presque féminin dans sa psyché d'une certaine façon, son mode de vie est sommaire et entièrement dévoué à sa ferme mais il présente une maturité émotionnelle si fine et si ouverte qu'on ne voit pas du tout en lui le cow-boy rustre habituel.
Chumani est une lumière à elle seule, la lueur qui éclaire sa tribu aussi bien par sa présence que ses savoirs, la lueur qui permet à ceux qu'elle aide de trouver un chemin malgré leur particularité, la lueur d'une représentante d'un monde, d'une idée, d'un genre et d'une spiritualité. Femme à 100% dans son cœur et dans son âme, son enveloppe originelle n'est pour elle qu'un tremplin à son accomplissement et à son coté guerrier qu'elle confronte avec plaisir à la sensibilité de John. Un tremplin que l’auteure nous décrit avec passion en prenant soin de nous livrer un peu partout tout un travail historique sur les perceptions sioux qu'elle a su restituer avec facilité pour ne pas étouffer sa narration. Et le résultat est passionnant, vivant et tellement frappant en même temps comme peuvent l’être toutes les histoires baignées dans ces génocides aveugles que l'histoire nous montre comme de simples colonisations.
La colline de l'oubli est une belle romance, très belle même. Toute en douceur (même si l’action n'y ménage pas sa peine), amenée avec la finesse d'une plume dédiée au passé, elle nous plonge dans ce couple terriblement attractif et dans une vie de famille pas si évidente pour John. Il lui faut faire avec les préjugés des siens, admettre qu'il aime malgré des gens dont il ne supporte plus la bêtise ou l'intolérance juste parce que ce sont les siens. Il lui faut se battre contre lui-même et défier ses croyances si profondément acquises. Pour elle, il faut faire avec le souvenir d'un peuple agresseur qui a mutilé sa civilisation et qui en muselle le peu qui reste, faire accepter aux siens que fuir avec son aimé pour cacher ce que l'on est, est parfois indispensable à son bonheur sans que la honte de son essence propre ne soit remise en cause.
Eve Terrellon esquisse avec talent tout un petit monde autour de la grande histoire de l’Amérique, avec une succession de personnages plus ou moins présents, qui tracent chacun un des sentiers de cette histoire: le puritanisme, la maladie, l’appât du gain, l'industrie naissante, la vie des plaines, l'immigration et ses déconvenues... et surtout le monde de demain qui se profile inexorablement. La grand-mère, l'oncle, les sœurs, les amis/es, tous, tour à tour servent à dessiner un monde et une ambiance plus qu'à mettre en valeur un couple central. Ils sont tous aussi caricaturaux que cela peut être nécessaire pour un roman mais aussi sensibles et amochés, autoritaires malgré leur bon cœur, surprenants alors que mauvais, tous nous prouvent que les frontières ne sont jamais aussi nettes que ce qu'elles paraissent.
Alors j'y ai trouvé quelques défauts (sinon je ne mériterais pas mon scalp), comme une extrême compréhension des choses qui me surprend pour une époque très dure et surtout très étouffée par la religion. Je pourrais aussi peut-être reprocher à John un petit coté mou, voir naïf et surtout une répétition des schémas de scénario avec les différentes agressions de Chumani. Rien de bien grave en soit mais faut bien qu'il y ait des mais vu que je suis pas payée (je lol hein pas besoin de crier au scandale !!)Ces quelques défauts ne sont rien en comparaison de son gros point fort c'est à dire son sens de la narration et sa plume! Eve Terrellon en une phrase vous balance dialogue, décors, ambiance et émotions sans même qu'on s'en aperçoive, elle a un sens du mot vivant qui vous enchaîne des le premier instant et ce dans une histoire où les embûches sont légion.
La colline de l'oubli c'est aussi l'histoire de deux cultures qui se croisent et dont l'une ne sort pas indemne, l'histoire du pouvoir qui domine et assujettit toute l’âme d'un peuple pour n'en faire que des survivants et ce juste par sa propre manière de vivre, sa vision limitée des autres.
C'est le récit de l'un de ses peuples a qui on a tout arraché car le feu de certains parlait plus vite que le murmure d'un ruisseau. Un formidable plongeon dans une histoire d'amour vrai au sein d'une époque où les rails nouveaux vous guident vers la croisée des peuples, des croyances, des nouveaux chevaux et du déclin malheureux d'une spiritualité humaniste au bénéfice d'un monde "meilleur".
Si vous voulez vous perdre un moment dans une belle histoire d'amour, des décors, du rêve et un peu d'Histoire La colline de l'oubli c'est pour vous! Yop
Vous le trouverez ici : La colline de l'oubli
Tags : eve terrellon, sioux, indiens d'amerique, tin
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