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Le garçon du port d' Anouchka Labonne
Une romance historique et instructive sur la rencontre d'un jeune Lord presque ruiné et un docker que rien ne prédestinait à séduire un bel aristocrate. Voila donc l'univers du Garçon du quai écrit par Anouchka Labonne et publié par les Editions Voy'el en Mars 2019.
Le pitch :Angleterre, 1872.
Après la mort de son père, le jeune Lord William Kingsbury se retrouve contraint d’abandonner son manoir dans la campagne du Kent pour aller vivre à Londres.
S’il a d’abord du mal à s’adapter à cette vie mondaine et citadine, il recevra l’aide d’un jeune homme d’affaires ambitieux qui l’aidera à se faire une place au sein de la bonne société londonienne.
Mais sa rencontre avec un simple docker va bouleverser sa vision du monde et réveiller son désir d’indépendance.
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Une belle histoire, courte mais assez complète, où les mœurs d'un royaume britannique du XIX ème nous sont exposées à travers les découvertes amoureuses de William orphelin et infortuné depuis peu.
N'ayant plus que son nom et une garçonnière (cossue tout de même la garçonnière ) en guise de biens, le jeune Lord Kingsbury déménage dans la capitale londonienne pour essayer d'y vivre son amour des arts littéraires. Très vite perdu dans les,mondanités c'est une première rencontre avec un héritier d'homme d'affaires qui lui révèle sa véritable nature et son attrait pour les hommes. Edgar se dévoile assez vite comme une espèce de Darcy arrogant et intolérant, fort de sa condition de dominant pour écraser les autres. Ce contraste avec les premiers émois séducteurs permet au jeune lord de voir sa propre personnalité s’épanouir et se démarquer du milieu dans lequel il évolue pour peu à peu partir à la découverte d'un Londres plus coloré.
L’écriture est vraiment plaisante, toute en harmonie avec l'époque ciblée, on se croirait presque dans un épisode mi-Wilde/mi- Austen tant l'ambiance et les mœurs y sont bien travaillées. On navigue entre haute sphère aristocratique, nouvelle bourgeoisie parvenue et bas fond populaire qui peine à survivre. L'auteur parvient avec douceur à mêler ces trois milieux, nous les présenter chacun sobrement mais efficacement et surtout à tisser des interactions sociales ou morales assez soutenues au vu du format. On sent qu'un travail de recherches a été fait, qu'il est habilement entremêlé dans le fil narratif et surtout que le thème de l'homosexualité est délicatement abordé en fonction de toutes ces "obligations" historiques. Il en découle une histoire fine et subtile, même si on est loin de l'épique et du passionnel, et surtout des personnages tout en logique et retenue correspondant parfaitement au contexte. Il est fort intéressant de voir deux mondes diamétralement opposés s’enchevêtrer dans la sueur et la chaleur des corps en terrain neutre, s'accepter uniquement quand le front commun de la différence les réunit.
Ici la romance est toute en suggestion, discrète et presque effacée au bénéfice de la gestion des rencontres et du danger qu'elles suggèrent. Cela peut être frustrant, comme je l'ai pensé en premier lieu, mais c'est finalement beaucoup plus criant de vérité de lire toutes ces émotions tues et contenues sous le joug de la morale et de la justice que de voir deux hommes s'envoyer en l'air sur la banquette arrière d'un fiacre.
Le sujet des classes sociales est aussi évoqué par cette histoire particulière entre un aristo et un docker et si on trouve tout de suite un charme suranné au jeune William, la différence de comportement et de langage entre lui et Ingham est une fois de plus assez marquante. Elle prend le risque de rendre l'un des deux hommes bien moins séducteurs et dans les codes hyper-formatés d’aujourd’hui j'ai trouvé que c’était une belle petite dose de courage de restituer ce personnage dans sa pauvreté et son manque d'apparat romanesque. Ce qui est un plus pour l'histoire et sa crédibilité est aussi malheureusement un petit moins constitué par ce léger manque de charge émotionnelle que la romance pure et dure apporte souvent.
Je pense que c'est face à ce genre d'histoire que l'on peut réaliser aussi que l'on a beaucoup de mal à se sortir des schémas surpuissants de la "passion fulgurante" et à s'ouvrir à des choses plus sobres et pourtant peut être plus réelles.
En tout cas c'est à coup sûr une romance séduisante, écrite avec beaucoup de talent et de maîtrise: les mots coulent de source, l'approche de la sexualité est caressée du velours rouge des bordels d'ambiance victorienne, la discrétion hypocrite se partage la place avec la réalité froide d'un monde en plein développement. Un roman au charme certain sur la dualité des hommes, de leurs désirs, de leurs secrets et de tout cet univers mondain et puissant qui illustre a la perfection l’expression des "secrets d'alcôves" et qui n'a pas été sans me rappeler la vie d'un certain Oscar Wilde. Yop.Vous le trouverez ici : Le garçon du port
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Tags : historique, mm, romance gay, Angleterre, Londres, aristocratie, port, docker, bourgeoisie, arts littéraires, bordel, salons, bas-fonds
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