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Le choix d'Idrissa de Pa Farouche/ Lorys V
Le dernier roman de Pa Farouche (ce pseudo me fera toujours kiffer) Le choix d'Idrissa publié fin 2018 nous permet une fois de plus de partir à la découverte de sa plume rafraîchissante.
Le pitch:
Je n’avais pas très envie de rejoindre pour quelques jours ce vieux politicien et sa famille dans leur luxueuse villégiature en bord de mer. L’idée de réaliser ce reportage photo pour un magazine m’ennuyait. Pourtant, depuis que je suis arrivé je dois bien avouer que ce job a priori insipide m’émeut et… comment dire… me bouleverse !
Il y a un garçon étrange ici, étonnamment silencieux et mélancolique. Il m’a suffi d’un regard pour en tomber complètement amoureux. Mais tout semble si compliqué… Il est tenaillé dans une relation malsaine, où se mêlent hypocrisie, machisme et racisme. Il souffre. Il serait tellement mieux avec moi, j’en suis sûr. Je pourrais lui offrir un véritable amour et l’aider à s’épanouir. Mais comment aider Idrissa à faire le bon choix ? Pourquoi est-il si difficile parfois d’aller vers l’amour lorsqu’il nous tend les bras ?
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Un roman construit en deux partie, deux POV qui se suivent dans le récit et un épilogue de la délicieuse Lucie. Benjamin, photographe people, se retrouve en plein été dans une villa de la cote d'azur pour prendre quelques clichés d'un politique et de sa vie officiellement familiale. Hébergé dans une dépendance, il partage les lieux avec les deux domestiques (ou ex domestique) sous la chaleur du sud, le luxe d'une certaine bourgeoisie et l'attraction sensuelle du jeune Idrissa, jeune amant du fameux politique.
Plonger dans une piscine de luxe est plus aisé que plonger dans un monde de secret, de manipulations et de jeux plus ou moins axés autour de la domination des riches sur les pauvres sensés les servir. Immédiatement séduit par Idrissa, Benjamin essaie par tous les moyens de faire comprendre à son précieux coup de cœur tout le misérabilisme de sa situation amoureuse avec Pierre. Pierre qui le soumet à son bon vouloir, qui le maintient dans une dépendance affective et financière et se sert de lui afin d'avoir constamment son joli joujou sous la main. Le tout nappé de doux relents de racisme intrinsèque et de colonialisme pas totalement éradiqué.Benjamin est un personnage plaisant, totalement en humeur avec son temps et sa condition de jeune photographe sensible au beau. Il est de nature sereine et prêt à bien des efforts pour séduire le jeune africain qui a ravi son cœur en si peu de temps. Il n'en reste pas moins objectif quant à la dépendance d'Idrissa envers son vieil amant et on apprécie cette facon claire d'observer la situation qui, même si elle le fait souffrir, ne l'entraîne pas pour autant dans une spirale émotionnelle et romanesque au point d'en perdre de vue son bonheur. Prêt à donner toutes les chances, il est très vite déçu par les hésitations et le manque de confiance en lui du jeune Idrissa. Pa Farouche comme toujours nous expose, avec sa plume toujours très propre et sensuelle, un jeune homme bien dans son temps, bien dans ses espadrilles à qui il n'est pas besoin de prêter une histoire torturée pour lui accorder de l'épaisseur. Sa lutte pour convaincre l'objet de son attention est naturelle, bien fondée et menée avec parcimonie sans jamais tomber dans des scènes tumultueuses et on aime beaucoup cet aspect réel et reposant des scénarios de l'auteur. sa vision légère sur un monde pétri de conceptions de blancs dominants est habilement confrontée au vernis écaillé d'une bourgeoisie tournée sur la politique professionnalisée.
La seconde partie, orientée sur Idrissa, nous permet de découvrir le jeune homme en même temps que la suite du récit. Et là, cela m'arrive rarement mais ça arrive, je dois dire que je suis complètement hermétique à ce jeune homme et ses atermoiements. Je comprends parfaitement sa psychologie qui s'explique très bien par son vécu et sa nature, il ne s'agit donc pas du tout d'incohérence dans le récit mais plutôt d'un personnage auquel je ne parviens pas du tout à accorder le moindre crédit . Un perso qui même me gonfle carrément avec ses changements d'opinion ou d'idée toutes les trois phrases. Un homme qui tourne plus vite qu'une girouette et qui du coup se décrédibilise complètement à mes yeux. Autant le Idrissa à travers les yeux de Benjamin était intéressant et créait l'envie d'en savoir plus, autant le vrai ne me donne que l'envie de le secouer comme un prunier.
C'est, bien entendu, une lecture personnelle du personnage et je n'explique pas vraiment ce rejet de ma part si ce n'est par sa faiblesse épuisante. Il y a quelque chose qui ne fonctionne pas dans sa construction, dans sa personnalité qui passe d'un amour transi au doute stupide, de la peur de partir à une vision pourtant très claire de sa condition. Comment peut-il seulement être si observateur et si bêta, se montrer faible et oser tout dans une même scène, quitter la main d'un homme qui le fait rêver et se retrouver la queue dans la bouche d'un autre en l'espace de quelques minutes? Le couple s'en retrouve du coup fortement déséquilibré, perd beaucoup de sa tension amoureuse au profit d'une interrogation qui laisse perplexe.
Heureusement la pulsion finale, la peur de tout perdre et sa course après Benjamin relève beaucoup la tension et rattrape assez bien le coup. L'auteur réussit à rendre ce final assez éprouvant, fort dans le rythme, les émotions et efface un peu ce coup de mou pour finir sur un épilogue aussi calme qu'une après midi sous le chant des cigales.
En conclusion je dirais que Pa Farouche nous livre une histoire sympathique mais déséquilibrée par un travail sur quelques personnages pas assez construit (développer un peu plus les autres persos aurait peut être permis de biaiser ce sentiment que j'ai eu face à Idrissa et je pense que Bertrand et Fayed méritaient un peu plus de place). J'aime beaucoup cet auteur, sa vision et sa manière d’écrire, et je sais que c'est aussi sa facon de faire, de laisser les choses dans un côté un peu nébuleux, d'esquisser ses hommes plutôt que de nous les imposer en force brute et d'habitude ça marche plutôt bien. Mais, parfois certains personnages demandent un peu plus d'attention et peut etre qu'Idrissa et son cruel manque de confiance en fait tout simplement partie. Yop.
Vous le trouverez ici : Le choix d'Idrissa
Tags : pa farouche, idrissa, choix, politique, photographe, dépendance affective, cote d'azur, plage, piscine, sud, homosexualité
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